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Mode de fonctionnement du réseau Internet 2 octobre 2020

Les « intermédiaires » sont les piliers de l’Internet, ils doivent être protégés

Par April FroncekFormer Senior Editor, Internet Society Foundation
Katie JordanFormer Director, Public Policy and Technology

Cet article a été publié à l’origine dans The Hill.

Il ne faut surtout pas négliger maintenant les lois qui pourraient nuire à l’Internet sur lequel nous comptons plus que jamais dans notre vie quotidienne.

Avant d’essayer de modifier des lois si essentielles au succès de l’internet, les décideurs politiques doivent aux milliards d’utilisateurs du monde entier qui dépendent de l’internet pour leur travail, leur éducation et leurs activités quotidiennes de connaître et comprendre le sujet.

Et pourtant, la montée en puissance des législateurs qui modifient à la hâte la loi connue sous le nom d' »article 230″ est la preuve d’une prise de décision non éclairée. Cette loi, qui peut potentiellement façonner l’Internet, semble de plus en plus sinistre.

Au cours des deux dernières années, pas moins de 18 tentatives– par le biais de projets de loi, de décrets et d’autres initiatives – ont visé à mettre à mal la règle qui, depuis 1996, exonère les intermédiaires d’Internet de toute responsabilité vis-à-vis des actions de leurs utilisateurs. Dans le cadre de chacune de ces tentatives, le champ d’application de la loi a varié considérablement, allant des « plateformes » aux « services informatiques interactifs » en passant par les « intermédiaires Internet ».

En fonction de ces champs d’application et des politiques plus larges auxquels ils sont associés, les impacts de ces propositions pourraient être fâcheux ou dévastateurs, affaiblissant les bases sur lesquelles nous nous appuyons pour faire fonctionner l’Internet pour tous.

Ce jeudi, la commission judiciaire du Sénat examinera un autre projet, la loi sur la modernisation de la politique de contenu en ligne, parrainée par le président de la commission judiciaire du Sénat, Lindsey Graham (R-S.C.), qui pourrait ouvrir la voie à d’autres projets de loi susceptibles de déstabiliser les fondements de l’Internet.

La pandémie de COVID-19 a montré que l’Internet est une ressource résiliente et adaptable. Le manque de clarté et de précision juridique qui sous-tend cette malheureuse tendance législative est un rappel inquiétant de la fragilité de la capacité à long terme de l’Internet à fonctionner comme une plateforme d’innovation réellement ouverte et polyvalente dans le monde entier.

La protection de la responsabilité des intermédiaires est un élément important du fonctionnement d’Internet. Tout comme la compagnie de téléphone n’est pas responsable du contenu de vos conversations téléphoniques, les fournisseurs de services Internet et les plateformes cesseraient de fonctionner si toutes les communications qu’ils transmettent devaient être considérées comme « sûres » avant de pouvoir être publiées ou envoyées.

Ce concept a été introduit aux États-Unis afin de permettre aux services en ligne de se concentrer sur l’innovation, le développement, la sécurité et l’utilisation de leurs plateformes sans être tenus responsables des données et du contenu qui transitent par celles-ci. À ce jour, ce concept englobe à la fois les applications dont nous dépendons quotidiennement (comme les plateformes de réseaux sociaux) et les intermédiaires d’infrastructure qui les soutiennent (comme les services de cloud, les réseaux de diffusion de contenu et les registres de domaines).

Ce cadre juridique a créé la clarté et la prévisibilité sur lesquelles l’Internet continue de se développer. Mais la situation actuelle est tout sauf prévisible. Cette montée frénétique de politiques hasardeuses risque d’ébranler fondamentalement les fondements de l’Internet.

L’Internet Society a déjà signalé une série de menaces générales posées par les limitations de responsabilité des intermédiaires. Si les décideurs politiques sont négligents, ils pourraient par inadvertance étouffer l’innovation en ligne, réduire la flexibilité et l’efficacité de l’Internet, et mettre des entreprises en faillite en obligeant les intermédiaires à évaluer la responsabilité de chaque nouveau contenu et service.

L’impact des différentes lois et politiques américaines sur l’infrastructure de l’Internet varie selon les cas. Certaines, comme le Platform Accountability and Consumer Transparency Act (ou PACT Act) présenté par les scientifiques Brian Schatz et John Thune (R-S.D.), adoptent une approche plus réfléchie de l’infrastructure de l’Internet, en précisant que différentes approches sont nécessaires pour réglementer les intermédiaires et les applications de l’infrastructure. Concrètement, le PACT Act exclut l’infrastructure de l’Internet de sa proposition, ce que nous applaudissons (bien que la législation suscite d’autres préoccupations). D’autres, comme une nouvelle proposition du département de la Justice, amalgament ces entités distinctes et créent un dangereux précédent qui pourrait avoir de profondes répercussions sur l’infrastructure.

Les projets de loi qui s’attaquent à cette législation essentielle pour l’Internet sont souvent vagues, contradictoires et lourds de conséquences involontaires. Leur véritable impact sur les fondements de l’Internet est difficile à prévoir avec précision. Cependant, le Congrès fonce clairement à l’aveuglette vers une révision majeure de la section 230 qui pourrait causer des dommages profonds et imprévisibles aux piliers sur lesquels nous comptons dans nos expériences quotidiennes en ligne.

Au lieu de rester concentré sur les objectifs que les décideurs politiques ont l’intention de résoudre en modifiant les dispositions relatives à la responsabilité des intermédiaires, une trop grande partie de l’approche récente des modifications de la section 230 est devenue hyperpolitisée et mal informée.

Dans ce cas, pour faire preuve de diligence raisonnable, il suffit de procéder à une évaluation de l’impact sur l’Internet afin de s’assurer que toute législation future atteindra l’objectif visé sans avoir d’incidence négative sur l’infrastructure de l’Internet.


Image de You X Ventures via Unsplash

Clause de non-responsabilité : Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et peuvent ou pas refléter la position officielle de l’Internet Society.

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