Développer l'Internet 6 mars 2020

Ministre Bains, repensons la vente aux enchères du spectre au Canada

Par Mark BuellFormer Regional Vice President - North America

L’annonce faite hier par le gouvernement du Canada de faire baisser le prix des téléphones portables ne fera que coûter cher au Canada à long terme.

Lors d’une conférence de presse tenue hier, le ministre Navdeep Bains de l’Innovation, de la Science et du Développement économique du Canada (ISED) a présenté un programme qui permettra non seulement au gouvernement de promulguer une nouvelle réglementation pour stimuler la concurrence, mais aussi de vendre le spectre au plus offrant.

Il s’agit d’un gain à court terme qui conduira à une problématique à long terme.

L’ISED aurait pu être l’occasion pour de nombreux Canadiens, en particulier ceux qui vivent dans des zones rurales et isolées, de se rapprocher de l’objectif du gouvernement, qui est de mettre en place un réseau universel de haut débit pour tous d’ici 2030. Malheureusement, nous pensons que les règles de mise aux enchères annoncées hier par le ministre Bains pour cette bande de spectre constituent un pas en arrière pour les approches innovantes visant à permettre un accès abordable aux régions du Canada qui en ont le plus besoin.

Actuellement, les Canadiens paient des tarifs parmi les plus élevés au monde pour se connecter à Internet, et une grande partie du pays ne dispose toujours pas de la fibre optique nécessaire au haut débit.

Il existe des solutions pour que l’accès soit abordable au Canada. L’une d’entre elles est les réseaux communautaires.

L’Internet Society a longtemps défendu les réseaux communautaires comme une solution pour combler les lacunes en matière de connectivité dans le monde. Ces réseaux – infrastructure de communication construite, gérée et utilisée par les communautés locales – pourraient être une solution idéale pour combler les lacunes existantes en matière de connectivité dans de nombreuses régions du Canada, où les solutions traditionnelles font défaut.

Et c’est là que le spectre entre en jeu.

L’accès au spectre est une étape essentielle pour soutenir le développement des réseaux communautaires. Avec la mise aux enchères des 3 500 MHz, l’ISED avait l’occasion de permettre aux communautés de déployer leurs propres réseaux durables et abordables. Malheureusement, cette opportunité a été manquée à cause des règles de la vente aux enchères.

Le Canada aurait pu suivre l’approche de la Commission fédérale américaine des communications (FCC) pour la bande de 3 500 MHz. En 2015, la FCC a adopté des règles pour la convertir en une bande partagée appelée Service radio à haut débit pour les citoyens (CBRS). Tout le monde peut utiliser gratuitement le CBRS lorsque son propriétaire ne diffuse pas. Le Canada est un grand pays, avec de grandes régions à couvrir. Un modèle partagé, comme celui adopté par la FCC, aurait été très utile pour les zones rurales où les grands fournisseurs de services peuvent disposer du spectre mais ne l’utilisent pas.

La FCC a également adopté une approche novatrice dans la manière dont elle réaffecte le spectre à large bande pour l’éducation (EBS). Alors que l’EBS était à l’origine réservé à des fins éducatives, la FCC l’a finalement ouvert au service à haut débit. L’année dernière, une vente aux enchères a été annoncée pour réaffecter l’EBS et délivrer de nouvelles licences. La FCC a notamment créé une fenêtre de priorité tribale pour permettre aux nations autochtones de recevoir des licences pour le spectre non assigné sur leurs terres. La fenêtre prioritaire de la FCC est ouverte jusqu’au 2 août 2020, date à laquelle la vente aux enchères sera ouverte à tous les titulaires de licences potentiels. Pour les tribus, cette fenêtre représente la possibilité d’obtenir un accès à Internet selon leurs propres conditions.

L’un ou l’autre de ces exemples de la FCC aurait permis de progresser vers l’objectif du gouvernement de garantir un accès universel au haut débit pour tous les Canadiens. Une fenêtre permettant aux communautés autochtones d’accéder à 3 500 MHz, comme la fenêtre de la FCC pour l’EBS, aurait permis aux communautés rurales et reculées de déployer leurs propres réseaux locaux, offrant ainsi un accès à toutes les possibilités offertes par l’internet.

Le temps presse, mais il est toujours temps de changer les choses.

Nous sommes plus forts ensemble que séparément. En tant qu’une des organisations techniques les plus anciennes et les plus indépendantes avec des personnes locales sur le terrain, l’Internet Society a une longue histoire de travail avec des partenaires pour jeter les bases de solutions durables et développées localement.

Nous demandons au ministre Bains de modifier son programme. Nous sommes là pour l’aider.

Un gouvernement, des experts techniques, des conseillers politiques et des personnes qui se soucient de leurs voisins. C’est ce qui permet de mettre le monde en ligne et de créer des opportunités. Travaillons ensemble sur ce projet et collaborons pour le changement.


Image © Angela Gzowski

Clause de non-responsabilité : Les points de vue exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et peuvent ou pas refléter la position officielle de l’Internet Society.

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