Note de la rédaction : Ce document est la version mise à jour du document intitulé « Fiche sur les politiques publiques: Gouvernance de l’Internet », publié le 30 octobre 2015. La version précédente est disponible dans les archives Web.
Synthèse
La réalisation de la vision d’un Internet pour tout le monde dépend également de la manière dont Internet est gouverné. Internet est développé, exploité, géré et gouverné de manière ouverte et collaborative par de multiples parties prenantes, dans l’intérêt du public. Ce modèle de gouvernance ouvert et collaboratif est particulièrement adapté aux défis d’Internet. Sans cette coopération mondiale entre de nombreuses parties prenantes, issues de différents pays et de cultures, nous n’aurions pas la société numérique mondiale que nous connaissons aujourd’hui.
Cette fiche d’orientation examine les principaux enjeux et défis et présente des principes directeurs pour une gouvernance multipartite de l’Internet fondée sur l’ouverture, l’inclusivité, la transparence, la collaboration, la responsabilité partagée, l’obligation de rendre des comptes, ainsi que sur des approches consensuelles et pragmatiques fondées sur des données probantes.
Introduction
L’Internet mondial est constitué de dizaines de milliers de réseaux interconnectés, exploités par des fournisseurs de services, des entreprises, des universités et des gouvernements. Aucune entité ne gère ou ne contrôle l’Internet à elle seule. Cependant, alors que les services et applications Internet sont devenus essentiels à la vie quotidienne partout dans le monde, des questions sur la meilleure façon de « gouverner » l’Internet ont émergé aux niveaux national, régional et international.
Cette question a été abordée dans le cadre du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) de l’ONU, et en 2005 une définition pratique de la gouvernance de l’Internet a été adoptée.
« …l’élaboration et l’application par les gouvernements, le secteur privé et la société civile, chacun selon son rôle, de principes, normes, règles, procédures de prise de décision et programmes communs propres à modeler l’évolution et l’utilisation de l’Internet. »
Cette définition reconnait les rôles et responsabilités de chaque groupe de parties prenantes et souligne l’importance de la coopération lors de la recherche de solutions dans l’intérêt de la croissance et du développement d’Internet. Cette approche de gouvernance collaborative est connue sous le nom de modèle multipartite.
Considérations clés
Le modèle multipartite
Le « modèle multipartite » signifie simplement qu’Internet est développé, exploité, géré et gouverné de manière ouverte et collaborative par de multiples parties prenantes dans l’intérêt du public. Ce modèle de gouvernance ouvert, décentralisé et collaboratif est particulièrement adapté aux défis d’Internet, un environnement où :
- Les décisions ont un impact sur un large éventail de personnes et d’intérêts répartis sur le territoire,
- Certains droits et certaines responsabilités présentent des recoupements entre les secteurs et les frontières,
- Les ressources sont partagées et interdépendantes,
- Différentes formes d’expertise sont nécessaires, et
- La légitimité et l’acceptation des décisions influencent directement leur mise en œuvre.
Le modèle multipartite est plus inclusif que les autres modèles de prise de décision, car il permet à toutes les parties intéressées de participer et les décisions sont généralement prises par consensus. Il est également conçu pour être appliqué de manière distribuée et décentralisée, et adaptable à différentes communautés et cultures. Ces caractéristiques en font également le modèle le plus efficace pour gouverner une ressource publique partagée, gérée et exploitée par des milliers d’entités différentes, y compris des particuliers, des gouvernements, des entreprises, des organisations à but non lucratif et des communautés du monde entier.
Puisque tout le monde peut participer à la gouvernance de l’Internet, les décisions concernant son fonctionnement et son évolution ont bénéficié de l’expertise de nombreuses disciplines.
Cette approche est également celle qui permet de disposer d’un Internet plus robuste, plus résilient et plus évolutif, favorisant l’innovation et la croissance économique.
L’écosystème Internet
Le succès de l’Internet repose sur son modèle unique : une propriété mondiale partagée, le développement de normes ouvertes, et des processus ascendants et librement accessibles pour l’élaboration des technologies et des politiques.
L’écosystème Internet comprend les organisations et les communautés qui se sont formées et ont évolué pour guider l’utilisation et le développement des technologies et des infrastructures qui constituent l’Internet mondial. Ces organisations partagent des valeurs communes et un engagement en faveur du développement ouvert de l’Internet. En font partie :
- Les groupes s’occupant des normes techniques comme l’Internet Engineering Task Force (IETF), le World Wide Web Consortium (W3C) et l’Institute of Electrical and Electronic Engineers (IEEE)
- Les organisations qui gèrent les ressources liées aux capacités mondiales de nommage et d’adressage, telles que l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), l’Internet Assigned Numbers Authority (IANA), les Registres Internet Régionaux (RIR) et les registres et bureaux d’enregistrement de noms de domaine.
- Les organisations et communautés qui fournissent des services d’infrastructure réseau, y compris les opérateurs de réseau, les fournisseurs de services de noms de domaine (DNS), les fournisseurs de réseaux de diffusion de contenu (CDN) et les points d’échange Internet (IXP).
- Les gouvernements, organisations, communautés et individus impliqués dans l’élaboration des politiques Internet et le renforcement des capacités, apportant leur expertise gouvernementale, commerciale, de la société civile, académique et technique.
- Les individus, communautés et organisations qui utilisent Internet, proposent des services et applications, ou partagent du contenu sur Internet.
Le Forum sur la gouvernance de l’Internet et les initiatives nationales, régionales et jeunesse
Depuis deux décennies, le Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI)[1], fruit du SMSI, constitue la principale plateforme mondiale de dialogue multipartite sur les questions de gouvernance de l’Internet. Le Forum sur la gouvernance de l’Internet et plus de 180 FGI nationaux, régionaux et jeunesse (NRI), ainsi que les forums de bonnes pratiques, réseaux politiques, coalitions dynamiques[2], et écoles sur la gouvernance de l’Internet (SIG), ont favorisé un échange d’informations significatif, une compréhension partagée et des opportunités de faire progresser des solutions, contribuant ainsi à des changements concrets dans le monde réel (pour des exemples, voir Bilan des 20 ans du Forum sur la gouvernance de l’Internet : Rapport conjoint de l’ICANN et de l’Internet Society, 2025)[3] Même si le FGI n’a aucun pouvoir de décision, il a la capacité d’encourager les opinions, de proposer des bonnes pratiques, de favoriser le dialogue et d’influencer les politiques Internet aux niveaux national, régional et international.
Appréhender les processus décentralisés
L’un des défis d’une approche de gouvernance décentralisée réside dans le temps et les ressources nécessaires pour participer au large éventail de forums mondiaux, régionaux et locaux où les questions sont discutées, en particulier pour les bénévoles non rémunérés. Cela peut représenter une charge particulièrement lourde pour les petits pays en développement. De nombreux groupes de parties prenantes relèvent ce défi en coordonnant leur participation. D’autres apportent un soutien financier et une formation en gouvernance de l’Internet, en politique Internet et en technologies Internet. La participation à distance a joué un rôle clé en permettant à la société civile de s’impliquer, notamment dans les pays en développement.
Équilibrer les rôles des parties prenantes dans la gouvernance de l’Internet
Il existe une hypothèse implicite selon laquelle il ne devrait pas y avoir de déséquilibre de pouvoir entre les parties prenantes impliquées dans la gouvernance de l’Internet, car dans le cas contraire, l’une d’elles pourrait orienter les décisions, voire influencer la manière dont l’Internet est développé et géré. Au départ, la principale préoccupation des parties prenantes non gouvernementales était que les gouvernements n’exercent un contrôle excessif. Parallèlement, les gouvernements craignaient de ne pas avoir suffisamment de voix dans la gouvernance de l’Internet ou de ne pas disposer de l’expertise nécessaire pour contribuer efficacement aux discussions techniques. L’équilibre s’obtient grâce à des processus ouverts, transparents, accessibles et fondés sur le consensus, ainsi qu’à la participation d’une diversité et d’une multiplicité de voix. Plus récemment, cependant, l’émergence de quelques très grandes entreprises technologiques a soulevé des questions sur la manière d’équilibrer leur influence et de garantir que les intérêts commerciaux ne prédominent pas.
Complexité du franchissement des frontières
Les questions liées à Internet peuvent dépasser les frontières géographiques, sectorielles et technologiques, comme la sécurité en ligne et la cybersécurité, et impliquer des acteurs issus de plusieurs juridictions. Les technologies et services récents, tels que l’intelligence artificielle, ont tendance à dominer les discussions sur la gouvernance de l’Internet, ce qui peut reléguer au second plan des enjeux plus anciens mais toujours importants, comme la connexion des populations vivant dans des zones reculées, rurales ou mal desservies. Pour traiter efficacement ces questions complexes, les parties prenantes doivent disposer d’un large éventail de compétences, notamment la capacité de collaborer avec des experts du secteur, qu’il s’agisse de décideurs politiques, de technologues, de dirigeants d’entreprise ou de représentants de la société civile.
Principes directeurs
Ouverture, inclusivité et transparence
Les processus de gouvernance devraient être ouverts et transparents pour toutes les parties prenantes. L’ouverture et l’inclusion sont la base de la légitimité de la prise de décision collaborative. Les personnes fortement impactées par une décision devraient avoir la possibilité de participer à son élaboration. Non seulement l’inclusion est un objectif admirable, mais elle constitue aussi une part essentielle d’un processus efficace. Moins un processus est inclusif, moins il est probable qu’il suscite la confiance et le soutien de ceux qui n’y participent pas, et moins il est susceptible de produire des résultats pouvant être mis en œuvre avec succès. La transparence est une condition essentielle pour l’inclusion, car elle intègre des experts ainsi que les groupes affectés dans le processus. La transparence des contributions, du processus et des prises de décisions est essentielle pour Internet.
Collaboration et responsabilité partagée
Toutes les parties prenantes partagent une responsabilité collective pour maintenir la dynamique d’Internet et les avantages qu’il apporte à nos sociétés. Cela implique une compréhension commune des problèmes majeurs, l’élaboration de solutions partagées, la reconnaissance des avantages mutuels et le maintien d’un dialogue ouvert.
Prise de décision efficace et responsable, et mise en œuvre
Les décisions les plus efficaces sont celles qui reposent sur un processus ouvert, délibératif et responsable, prenant en compte un large éventail de sources d’information et de perspectives. Ceci vaut à la fois pour la qualité des décisions et pour leur mise en œuvre. Étant donné qu’Internet est géré par une diversité de parties prenantes publiques, privées et issues de la société civile, la mise en œuvre réussie des décisions nécessite des solutions créatives et collaboratives. Ce n’est pas aussi simple que d’adopter une loi nationale ou un traité international. Les parties prenantes qui ont participé au processus déploient leurs meilleurs efforts pour en réussir la mise en œuvre. Cela conduit également à des résultats plus légitimes, éclairés et durables.
Prise de décision par consensus
Les décisions prises par consensus approximatif entre toutes les parties prenantes sont plus susceptibles d’être mises en œuvre que celles prises par vote. Un vaste consensus ne signifie pas que tout le monde est d’accord avec la décision. Il s’agit plutôt d’un choix issu d’une prise en compte collective de tous les enjeux par les parties prenantes, qui ont ensuite opté pour l’option la plus adaptée aux circonstances. Le vote a tendance à aboutir à des décisions favorisant la majorité, souvent au détriment des intérêts des communautés minoritaires. La prise de décision fondée sur le consensus encourage toutefois les parties prenantes à expliquer leurs points de vue et leurs positions aux autres parties prenantes afin d’obtenir leur accord. Cela permet de garantir que les problèmes et les solutions sont discutés en profondeur. Une approche basée sur le consensus encourage également les parties prenantes à négocier et à faire des compromis, plutôt qu’à défendre uniquement leurs propres positions. Elles sont également plus susceptibles de se sentir responsables du résultat.
Approches pragmatiques et basées sur les faits
Les discussions, débats et décisions sur la gouvernance de l’Internet doivent être fondés sur des informations objectives et empiriques, et en dépendre.
Internet tire sa force de l’implication d’un large éventail d’acteurs utilisant des processus ouverts, transparents et collaboratifs. La coopération est essentielle à l’innovation et à la croissance continues d’Internet.
L’Internet Society et la gouvernance de l’Internet
L’Internet Society participe aux activités de gouvernance de l’Internet en tant que membre de la communauté technique, aux côtés d’autres organisations techniques et de normalisation de l’Internet telles que l’Internet Engineering Task Force (IETF), l’Internet Corporation for Assigned Names and Numbers (ICANN), les Registres Internet Régionaux (RIR), le World Wide Web Consortium (W3C) et l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE). Au sein de la communauté technique, nous partageons un sentiment de responsabilité collective envers Internet et les normes ouvertes sur lesquelles reposent ses technologies et ses réseaux. Ces caractéristiques renforcent la confiance des parties prenantes quant à la manière dont Internet est exploité et gouverné.
Ressources supplémentaires
L’Internet Society a publié des articles et du contenu supplémentaire sur cette question. Ils sont disponibles gratuitement sur le site Web de l’Internet Society.
Bilan des 20 ans du Forum sur la gouvernance de l’Internet : Rapport conjoint de l’ICANN et de l’Internet Society (2025), https://www.internetsociety.org/fr/resources/doc/2025/bilan-des-20-ans-du-forum-sur-la-gouvernance-de-linternet/
Gouvernance de l’Internet – Pourquoi l’approche multipartite fonctionne, https://www.internetsociety.org/fr/resources/doc/2016/gouvernance-de-linternet-pourquoi-lapproche-multi-acteurs-fonctionne/
Un moment charnière pour la coopération numérique mondiale, https://www.internetsociety.org/fr/resources/doc/2025/un-moment-charniere-pour-la-cooperation-numerique-mondiale/
Publié avec l’ICANN, Bilan des 20 ans du Forum sur la gouvernance de l’Internet, https://www.internetsociety.org/fr/resources/doc/2025/un-moment-charniere-pour-la-cooperation-numerique-mondiale/
Page sur la gouvernance de l’Internet, https://www.internetsociety.org/fr/issues/internet-governance/
Cours sur la gouvernance de l’Internet, https://www.internetsociety.org/fr/learning/internet-governance/
Notes
[1] https://www.intgovforum.org/en
[2] Pour plus d’informations, consulte https://publicadministration.desa.un.org/capacity-development/igf
[3] Bilan des 20 ans du Forum sur la gouvernance de l’Internet : Rapport conjoint de l’ICANN et de l’Internet Society (2025),
https://www.internetsociety.org/fr/resources/doc/2025/bilan-des-20-ans-du-forum-sur-la-gouvernance-de-linternet/
